Le langage, ce n’est pas seulement des phrases sur une feuille de papier ou un écran d’ordinateur. La musique des mots joue elle aussi un rôle, parfois primordial. Alors comment en tenir compte lorsqu’on traduit un texte ?

Musique

Je ne parle pas ici de traduction de poésie, un domaine où je ne me suis encore jamais risquée, et où la prise en compte des rythmes et des sonorités est une évidence. Inversement, la traduction de textes très techniques peut sans doute se dispenser de ces considérations (quoique…). Mais pour les textes où le style a son importance (textes journalistiques, marketing ou littéraires notamment), cela me semble approprié de « faire chanter les mots », ou au moins de s’y efforcer.

Le rythme

La longueur des phrases et des mots employés et la ponctuation donnent un certain rythme au texte : dynamique, rapide, saccadé, court et vif ou au contraire lent et lourd… Chaque langue ayant son propre rythme, il est souvent difficile de coller au plus près au rythme du texte source. Néanmoins, c’est un paramètre à ne pas négliger.

Pensez aux slogans des grandes marques. « Just do it » n’a pas été traduit en français. « Contente-toi de le faire » respecterait la signification, bien entendu… mais ne véhiculerait pas du tout le même message, et serait beaucoup moins vendeur ! « Vas-y, fonce » serait sans doute bien plus adapté, ne serait-ce que pour conserver le côté bref et percutant.

La ponctuation, quant à elle, permet au texte de respirer. On ne s’en rend pas toujours compte lorsqu’on écrit, mais essayez donc de lire votre texte à voix haute : vous repèrerez plus facilement les phrases interminables qui mériteraient une ou deux virgules pour plus de lisibilité.

Les sonorités

Homonymies, rimes, jeux de mots… Autant de petits clins d’œil au fil des phrases, qui font toute la saveur d’un texte, et qui ne s’apprécient réellement qu’à l’oral (en lisant le texte, ou au moins, en l’imaginant prononcé). Ces jeux de sonorités n’apportent pas forcément d’information au sens strict, mais cela ne signifie pas que l’on peut s’en passer ! Leur fonction est différente : inviter à réfléchir, faire sourire, être facilement mémorisable…

Les rimes et les jeux de mots sont toujours un vrai casse-tête pour le traducteur. Il est souvent impossible de trouver un équivalent qui conserve à la fois le sens exact et la rime. Le traducteur peut alors décider de faire l’impasse… ou de faire preuve d’astuce, par exemple en créant un autre jeu de mots ou une autre rime à proximité dans le texte. C’est un exercice très difficile, mais particulièrement stimulant pour la créativité !

Lire à voix haute mes traductions me permet également de détecter les phrases qui « sonnent » mal, les enchaînements boiteux, les répétitions malheureuses, l’harmonie générale du texte. C’est une habitude que j’ai prise, et que je trouve très utile lors d’une phase de relecture, pour mes travaux de traduction comme pour mes autres productions d’ailleurs… et cet article ne fera pas exception à la règle !

Et vous ? Relisez-vous aussi à voix haute ? Êtes-vous sensible à la musique des mots lorsque vous lisez un texte, ou lorsque vous traduisez ?

 

4 Comments
  1. Oui, moi aussi je relis souvent à voix haute les textes que j’écris ou que je traduis. J’aime beaucoup cette façon intuitive de travailler, propre à tout travail de création en effet (dont la traduction). Comme en musique, on trouve d’ailleurs qu’une expression « sonne » mieux qu’une autre!

    Je m’aperçois aussi que pour arriver à trouver le mot juste, celui qui sonne bien donc, j’ai souvent besoin de lâcher prise, de laisser mon esprit divaguer et chercher tout seul intuitivement la bonne solution. Apparemment, je ne suis pas la seule à fonctionner comme ça: un article de RUE89 parle justement de cette manière de « rêvasser productif »: http://tinyurl.com/ctrs4rv

    Tout de suite, on se sent moins coupable!

  2. Effectivement, plusieurs traducteurs m’avaient déjà raconté qu’ils pratiquaient la relecture à voix haute, et les réactions que je reçois suite à cet article vont aussi dans ce sens. L’inconvénient, c’est que lorsqu’on travaille dans un lieu public, on se fait vite remarquer ! 🙂

    Merci pour le lien vers l’article !